
Selon une étude réalisée en 2017 par l’association Petits Frères des Pauvres et le CSA, 300 000 personnes âgées sont en situation de “mort sociale” en France. Ces personnes sont alors très rarement en contact avec leur famille, voisins ou même associations. Nous avons réalisée une enquête en nous intéressant à la situation que subissent beaucoup de personnes âgées en France, et sur leur sentiment face à la solitude, ressenti que nous sous estimons souvent.
Le sentiment de solitude face à l’isolement
Il est 7h du matin, un lundi, dans cet EHPA du nord de la France. L’auxiliaire de vie en poste ce jour passe d’appartement en appartement pour réveiller les résidents et voir si tout se passe bien. A partir de ce moment commence la journée, identique à celle d’hier, et sûrement à celle de demain. Après le lever vient le petit déjeuner, le même tous les matins pour les habitants de la résidence. Par manque de moyens dans le domaine de la santé, l’auxiliaire de vie travaillant de 6h à 14H est seule pour s’occuper des besoins des résidents, du ménages, du repas, tout ça en prenant en charge les soucis du quotidien. Malgré le timing “pressé” qui règne lors du repas, les résidents gardent le sourire et leur bonne humeur, car ils savent que dans tous les cas, à chaque heure de la journée ou de la nuit, quelqu’un peut venir les aider s’ils en ont besoin.
En ce lundi, je me suis assise à une table à l’heure du goûter. Jacques, à ma droite, me demande ce que je viens faire ici. Comme je n’ai pas forcément envie de lui dire que le sujet de mon article est “l’isolement des personnes âgées”, j’explique que je viens faire un reportage sur les habitudes de vie en résidence autonomie. Au détour de la conversation, nous arrivons au sujet des visites reçues par les résidents. Jacques lui, reçoit la visites assez régulière de sa fille, qui habite dans le village voisin. Michelle, intéressée par notre discussion, me confie qu’elle n’a pas vu ses enfants depuis presque 1 an. La discussion ayant pris de l’ampleur dans le réfectoire, je m’aperçois que bon nombre de résidents n’ont pas de contacts réguliers avec les membres de leur famille.
Une fois le goûter terminé, je reste à la table quelques instants pour mettre mes notes en ordre. Je sens une présence derrière moi. C’est Michelle qui n’est pas rentrée dans son appartement, elle s’assoie à côté de moi et nous commençons à parler de tout et de rien. La discussion commence par la pluie et le beau temps, mais elle dévie peu à peu vers ce dont nous parlions quelques instants plus tôt. Michelle me confie : “Je crois que mes enfants ne se rendent pas compte de ma situation. Pour eux j’ai des conditions de vie idéales : une aide nuit et jour en appuyant sur un bouton (elle montre le médaillon qu’elle a autour du cou), des personnes de mon âge pour discuter. Ils ne réalisent pas que les sujets de conversation ici sont tous les mêmes, que le quotidien est robotisé, et que la présence du personnel ne peut pas remplacer l’amour d’une famille. Mes enfants me manquent mais je ne veux pas leur dire, car je sais que venir me voir plus souvent serait un poids pour eux, ils habitent loin tu sais, ils travaillent beaucoup ”
Cette conversation m’a bouleversée.
“Mais bon je ne suis pas à plaindre, au moins je ne suis pas seule dans ce cas.”
En effet, Michelle fait partie des “privilégiés”, qui ont les moyens d’avoir une place dans ce genre de résidence, avec une présence de chaque instant. Les auxiliaires, les intervenants en charge des activités quotidiennes, la directrice de la résidence, sont aux petits soins pour eux. Ils sont aussi présents pour dédramatiser certaines situations, car les personnes âgées peuvent, à raison parfois, faire une montagne de petits maux.
Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Quelques jours après mon passage à la résidence, je suis allée frapper à la porte d’une dame. Elle s’appelle Jeanne et c’est une amie de longue date de Michelle. Jeanne vit seule chez elle malgré ses 83 ans. Quand je frappe à la porte, des aboiement me répondent. Michelle m’avait prévenu que Jeanne possède un chien. Au bout de plusieurs coups sur la porte, la vieille dame vient m’ouvrir. Elle semble ravie de voir quelqu’un, car elle arbore un grand sourire dans l’entrebâillement de la porte, et elle n’hésite pas un instant à me faire entrer après avoir entendu la raison de ma visite.
“Un reportage sur les personnes âgées ? Entrez dont !”
Une fois à l’intérieur, je suis saisie par l’odeur d’urine. A un certain âge, les personnes âgées ne se rendent plus vraiment compte si elles ont envie d’aller aux toilettes ou non, on appelle ça l’incontinence. Je m’installe à table, la vieille dame s’avance en traînant des pieds vers son réfrigérateur. J’aperçois l’intérieur ; il est presque vide. Elle apporte sur la table une bouteille de lait pour verser dans le café. Nous discutons, et encore une fois je fais en sorte que la conversation se tourne vers les visites qu’elle reçoit. Elle me parle d’une aide à domicile qui vient lui faire sa toilette et son ménage deux fois par semaine. Quand je lui demande de me parler de cette personne, elle ne sait me répondre.
“Elles changent tout le temps, à chaque fois elles me reposent les mêmes questions, sans vraiment faire attention à ce que je réponds”
Jeanne ne considère pas la présence de ses aides à domicile agréable, alors que c’est pourtant la seule visite qu’elle reçoit.
Solitude renforcée par l’été ou encore le COVID 19
Comme Jeanne, plus de 75 millions de personnes sont en situation d’isolement en France.
En cette période de COVID 19, la solitude des personnes âgées se trouve amplifiée. Sur les réseaux sociaux, il est possible de retrouver la vidéo d’une dame âgée, dans la rue en période de confinement. Le jeune homme qui filme demande à la dame la raison de sa sortie, malgré l’interdiction. La vieille dame, hagarde, lui répond qu’elle n’est pas au courant de telles mesures. Cette dame ne sait donc pas qu’il y a une pandémie de COVID 19 actuellement, avec des mesures d’isolement ordonnées par le Gouvernement. Il est possible que cette dame soit malicieuse et fasse comme si elle n’était pas au courant pour que le jeune homme la laisse tranquille, mais une autre possibilité, plus triste, est aussi envisageable. Cette dame n’a possiblement aucun contact avec de la famille ou même des voisins, et n’a pas non plus d’accès à Internet ou à la télévision.
Lutter contre l’isolement des personnes âgées
C’est surtout au moment des départs en vacances d’été que la solitude se fait le plus ressentir. Plusieurs semaines sans famille pour venir rendre visite est une vraie douleur pour ces personnes souvent en mal d’autonomie.
Heureusement, c’est sans compter sur les associations qui oeuvrent pour maintenir le bonheur de nos aînées au beau fixe. Citons par exemple Au bout du fil , une association spécialisée dans l’accompagnement téléphonique. Les personnes âgées peuvent appeler au numéro de l’association et un bénévole va leur répondre, pour passer un moment ensemble, discuter, égayer une journée. Reconnu d’utilité publique en 1967 dans la prévention du suicide, SOS Amitié propose le même type de service téléphonique. Leur slogan :
“Un mal, des mots”.
Cette courte phrase ne saurait être plus juste. A tout âge l’être humain à besoin de communiquer, d’être entendu, et cela ne se perd pas avec l’âge. Parler est le meilleur moyen de se sentir mieux quand le tourment s’empare de vous, et ça, beaucoup d’association l’ont compris.
Des systèmes de visites sont aussi mis en place par les collectivités ou par des associations. En effet, les appels téléphoniques sont très aidant dans certains cas, mais ne remplace par la présence physique. Dans les Yvelines, un système est mis en place depuis la canicule de 2003. Des étudiants se portent bénévoles pour aller passer 1H30 avec des personnes âgées. Cette initiative n’est heureusement pas unique en France. Nous pouvons aussi citer l’association Petits Frères des Pauvres, qui rend visite à des personnes âgées, le plus souvent démunies.